vendredi 5 août 2016

Meung-sur-Loire et le Québec, une histoire partagée au XVIIIe - La collection Desjardins



Meung-sur-Loire, le 5 août 2016

Desjardins Philippe Jean Louis (1753-1833)
Depuis quelques jours, nous sommes de retour en France afin de récupérer notre Ulysse (pour les nouveaux lecteurs, Ulysse c'est notre camping-car). Notre point de chute est Meung-sur-Loire, une commune française située dans le département du Loiret en région Centre à quelques kilomètres d’Orléans et à 140 km au sud-ouest de Paris. Comme nous avons eu quelques jours de libres en attendant que se réalisent les travaux d’entretien périodique sur Ulysse, nous avons documenté un bout d’histoire commune entre Meung-sur-Loire et le Québec.

Comme bien d’autres en France, cette commune bénéficie d’un large passé historique. Déjà des occupations ont été signalées au mésolithique (période de l’âge de pierre située entre le paléolithique et le néolithique.). Un fortin gallo-romain fut implanté ici. Il fut détruit vers 408 par une horde de Vandales ou Alains qui l’auraient incendié, avant de traverser la Loire afin de poursuivre leur traversée de la Gaule romaine. Par la suite, saint Liphard, né à Orléans vers 477, redonna vie au village, asséchant les marécages et défrichant les bois, canalisant le système de rivières des Mauves, regroupant la population autour de son ermitage. Il y construit une chapelle, devenue monastère par la suite. Après sa mort en 565, une ville nouvelle grandit peu à peu autour de son tombeau. C’est un siècle plus tard qu’apparaît la première mention de la commune, sous sa forme latine, Magdunum.

En 1103, le roi Louis VI s'empare de la forteresse. Un an plus tard, les reliques de saint Liphard sont placées dans l'église. Le logis abbatial fortifié qui jouxte l'église est mis en construction durant le XIIe siècle. C’est alors le temps des grandes constructions, tour dressée contre le clocher par Manassès de Garlande, le château élevé à partir du XIIIe par un autre Manassès, qui dota aussi la ville d’un pont de pierre : elle gardera ce signe de puissance jusqu’à son effondrement aux alentours de 1500 (il ne sera reconstruit qu’en 1836). Également au XIIe siècle, l'église est rénovée dans le style gothique et Jeanne d'Arc vient s'y recueillir en 1429.

En 1857, 38 moulins possédaient leur « droit d'eau », c'est-à-dire l'autorisation administrative de fonctionner.

Collégiale Saint-Liphard de Meung-sur-Loire
Le château de Meung-sur-Loire est une ancienne résidence fortifiée.
Il a servi de résidence 
des évêques d'Orléans et de prison, dont François Villon fut le captif le plus célèbre.
Cependant, ce qui a particulièrement attiré notre attention n’est pas nécessairement l’histoire de la commune, ni ses bâtiments patrimoniaux tels que le château ou l’église, mais une histoire peu connue des Québécois, soit celle de la collection de peintures des Desjardins.

Philippe-Jean-Louis Desjardins, prêtre catholique et vicaire général, né le 6 juin 1753 à Messas à quelques kilomètres de la commune, fit ses études classiques au petit séminaire de Meung-sur-Loire et montra vite des aptitudes intellectuelles remarquables. En 1788, il fut nommé doyen du chapitre de Meung-sur-Loire et vicaire général d’Orléans. La révolution éclata et la Constitution civile du clergé supprima les titres et bénéfices ecclésiastiques. Desjardins se retira d’abord chez ses parents à Messas, puis à Bayeux, avec son frère Louis-Joseph (1766-1848), devenu prêtre. Lors des événements d’août 1792, les frères Desjardins ne voulurent pas attirer d’ennuis à leurs hôtes et décidèrent d’émigrer. À Londres, Philippe-Jean-Louis rencontra Mgr Jean-François de La Marche, évêque de Saint-Pol-de-Léon, qui s’occupait justement de recruter des prêtres pour le Canada. Depuis la Conquête (1760), l’Église canadienne n’avait pu faire appel au clergé français. L’Angleterre ayant reçu environ 8 000 prêtres émigrés, la situation se trouvait changée et la porte du Canada ouverte. Mgr de La Marche nomma Desjardins chef de la mission chargée d’étudier les conditions de l’établissement dans le Haut et le Bas-Canada de prêtres français et, éventuellement, d’émigrés. 

David vainqueur de Goliath exécutée par
l’artiste Pierre Puget (1620-1694)
Musée de la civilisation,
collection du Séminaire de Québec.
Apparemment à cause de graves ennuis de santé, il dut se résoudre à rentrer en France à l’occasion de la paix d’Amiens en 1802. Desjardins alla d’abord servir à titre de curé de Meung-sur-Loire, puis comme vicaire général d’Orléans, pour revenir assez vite à Paris en qualité de secrétaire auprès de la légation romaine. Peu après, il profite d'«occasions» dont il ne dévoile pas les sources pour acheter des tableaux qu'il espère revendre rapidement et avec profit dans le Bas-Canada. Il n'avait cependant pas prévu les conséquences du Blocus continental ni la police napoléonienne qui l'accuse de complot, à cause d'un échange avec Edward Augustus, duc de Kent, le garde prisonnier de 1810 à 1813. Il doit attendre 1816 pour réaliser son projet, et acheminer par la voie du ministre plénipotentiaire de France aux États-Unis, Hyde de Neuville, une première cargaison de 120 tableaux vers l'Amérique. De New York, ceux-ci transitent par le poste de douanes de Saint-Jean avant d'arriver à Québec à la fin de février 1817. Le second envoi de 60 œuvres accompagne les bagages de Mgr Joseph-Octave Plessis en 1820 lors de son retour d'Europe.

Les tableaux Desjardins formaient un ensemble assez disparate d'œuvres de l'École française des XVIIe et XVIIIe, auxquelles se joignaient celles des écoles italienne et hollandaise. Ils représentaient néanmoins une vue en coupe, un échantillonnage du talent de ces époques et de ces pays et du goût français, en particulier pour la peinture religieuse.

Philippe-Jean- Louis Desjardins décéda le 21 octobre 1833 à Paris.

De l’avis de Laurier Lacroix ( professeur retraité, Ph.D. Histoire de l'art, Université Laval) dans un article publié dans la revue «Cap aux Diamants» en 1989 ; les tableaux Desjardins sont considérés comme peu importants dans le contexte politique français de la fin du XVIII siècle, ils deviennent au Québec, dans un milieu attaché aux valeurs de l'Ancien Régime et privé d'œuvres picturales valables, la stimulation nécessaire à l'origine de plusieurs carrières artistiques. Ils favorisent en outre le développement de la peinture d'histoire au XIXe siècle et forment la base d'une véritable collection, celle de Joseph Légaré, acquise par le Séminaire de Québec en 1874.

Pour référence:
Dictionnaire biographique du Canada, Volume VI (1821-1835).
La revue CAP-AUX-DIAMANTS, Vol 5, no 3. Automne 1989.
L'abbé Philippe Desjardins, un grand ami du Canada, 1753-1833 par Jacqueline Lefebvre, Société historique de Québec, 1983 (Cahiers d'Histoire no.34).
Le fonds de tableaux Desjardins : nature et influence / Lacroix, Laurier, 1947.



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