samedi 27 février 2016

Agadir à Marrakech

Marrakech, Bab Er-Robb, XIIe siècle
Depuis le 14 février, le temps a subitement changé. La pluie tant attendue par les agriculteurs est arrivée depuis le nord. Mais avec la pluie, il y a eu également la neige dans les montagnes et un refroidissement général des températures. Évidemment, nous avons contracté une grippe carabinée qui nous a immobilisés pendant presque deux semaines. C’est pourquoi nous avons décidé de nous poser tout ce temps en bord de mer, de profiter de la montagne toute proche et de remettre à une autre année, au printemps, notre périple dans l’Atlas enneigé. Après tout, nous sommes ici pour fuir l’hiver québécois et non pas pour chausser nos skis!

Notre visa de tourisme de 90 jours venant bientôt à terme, il est temps de reprendre la route vers le nord. C’est pourquoi nous nous sommes dirigés vers Marrakech en début de semaine en longeant les montagnes enneigées de l’Atlas.
Un paysage majestueux mêlant le blanc des sommets au gris, ocre et rouge des montagnes sur fonds vert des fertiles vallées traversées. Ces images nous ont laissé une impression de force et de puissance de la nature comme nous en avons rarement ressenti. La ville de Marrakech est posée sur un plateau à distance raisonnable de ces montagnes qui ont continué à nous offrir une vue éblouissante pendant tout notre séjour dans cette ville. Nous nous sommes installés dans un camping sur la route de l’Ourika qui fut l’oeuvre d’un Québécois décédé subitement il y a deux ou trois ans.

Marrakech

Marrakech est avant tout une ville touristique. On y retrouve vraiment tous les contrastes du Maroc. À la fois, tradition, histoire, modernité, richesse et pauvreté s’y mêlent allègrement.

Place Jemaa el-Fna au matin
Contrairement aux touristes qui arrivent par avion du continent européen pour y prendre des vacances de quelques jours dans les magnifiques hôtels et golfs de la région, nous avons la chance de pouvoir nous mêler à la population locale dans les transports en commun et dans les souks des villages environnants. Cela nous permet de mieux estimer la valeur de la vie quotidienne des résidents, leurs préoccupations et leur manière de vivre en société.

Les souks
Autant il est exécrable de se promener dans les souks touristiques du centre de la ville avec l’insistance des boutiquiers, la sollicitation incessante des vendeurs ambulants de babioles, des quémandeurs de tout acabit, la fourberie des chauffeurs de taxi,  l’indiscipline des conducteurs de vélo, de moto et de voiture, autant il peut être agréable de discuter avec la dame retournant dans son village dans la vallée de l’Ourika ou avec l’étudiant se rendant à ses cours à l’Université.

Marrakech c’est aussi une ville historique dotée de plusieurs monuments architecturaux, assez difficile à repérer. Habituellement localisés au milieu d’un fouillis de ruelles occupées par des milliers de boutiquiers, il faut vraiment avoir le sens de l’orientation, car les panneaux indicateurs sont quasi inexistants. Faisant preuve de beaucoup de détermination, avec quelques renseignements recueillis auprès des boutiquiers en échange d’une visite de leur petit local, nous avons réussi à trouver quelques splendeurs cachées derrière de hauts murs.

Mosquée La Koutoubia

La construction de la mosquée Koutoubia ou mosquée des libraires commença sous la dynastie berbère des Almoravides en 1120. Elle fut profondément remaniée à partir de 1162 sous le calife Almohade Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, et devint l'un des édifices les plus caractéristiques de ce style. Son nom vient du fait qu'elle se situait dans le souk des marchands de manuscrits.

Ses 17 nefs, soutenues par de nombreux piliers blancs, abritent l'une des plus vastes salles de prière de l'Occident musulman (90 × 60 m) pouvant accueillir jusqu'à vingt mille fidèles. Le bâtiment a été restauré dans l'esprit du monument original en 1990.


Madrasa Ben Youssef

La grande cour
Ce fut la plus vaste école coranique du Maghreb. Fondée au XIVe siècle, elle fut entièrement restaurée et agrandie en 1564. L'école pouvait accueillir et loger 900 étudiants dans 150 petites cellules où ils devaient s'empiler pour dormir. Les salles d'étude et de prière sont magnifiquement décorées de fines colonnes de marbres et de décorations sculptées dans le bois de cèdre et dans le stuc dans le plus pur style mauresque.
Porte d'une cellule d'étudiants
Gravure sur stuc
Porte d'une cellule d'étudiants


Mausolées Saadiens

Les tombeaux Saadiens datent de l'époque du sultan Ahmed al-Mansur Saadi (1578-1603). Ces tombeaux furent découverts que vers 1917, puis restaurés par le service des Beaux-Arts.

Le mausolée abrite les corps d'une soixantaine de Saadiens, dont Al-Mansour, ses successeurs et sa famille. L'édifice est composé de trois salles. Le mausolée le plus prestigieux est la salle des douze colonnes. Cette salle abrite la tombe du sultan-fils Ahmed El Mansour. Sa coupole en bois de cèdre ouvragé, et les stucs sont finement travaillés, les sépultures y sont en marbre de Carrare. Ce mausolée constitue un très bel exemple de l'art décoratif hispano-mauresque.

À l'extérieur se trouvent les tombes des soldats et serviteurs et un jardin de la nécropole.


Palais de la Bahia


Chantal sur fond de zellige
Les jardins
Premiers vitraux du Maghreb
Le palais de la Bahia (palais de la belle, de la brillante) est un palais du XIXe siècle de près de huit hectares. Le palais est constitué d'environ 150 pièces richement décorées de moucharabiehs (dispositif de ventilation naturelle forcée ), de marbre, de sculptures et peintures sur bois de hêtre et de cèdre, de stuc, de zellige ( mosaïque dont les éléments, appelés tesselles, sont des morceaux de carreaux de faïence colorés), des premiers vitraux du Maghreb. Ces pièces abritées dans des bâtiments hétéroclites, sans ordre établi, organisé autour de nombreux patios (jardin islamique) verdoyants et rafraîchissants plantés d'orangers, de bananiers, de cyprès, d'hibiscus et de jasmins et irrigué par des khettaras (un qanat est un ouvrage destiné à la captation d'une nappe d'eau souterraine et l'adduction d'eau vers l'extérieur).

Lors de notre visite, le palais était orné de nombreuses pièces d'art contemporain exposées dans le cadre de la biennale de Marrakech.

Palais Dar Mnebhi

Œuvre de Mehdi M'nebhi, ministre de la guerre, à l'époque du Sultan Moulay Abdelazize, le palais Dar Mnebhi a été construit entre 1894 et 1908.


Ce palais expose élégamment le mélange des cultures orientales et occidentales, grâce aux multiples voyages en Europe et aux nombreuses influences artistiques de son créateur. Aujourd'hui, il abrite le musée d'art contemporain et du patrimoine traditionnel de Marrakech depuis sa restauration à la fin des années 1990 par le collectionneur Omar Benjelloun.




La maison Tiskiwin


Le Musée Tiskiwin a été fondé par Bert Flint, qui est né en 1931 aux Pays-Bas où il a fait ses études en langue et littérature espagnoles à l’Université d’Utrecht.

Une visite à l’Alhambra de Grenade a éveillé en lui un vif intérêt pour l’Histoire de l’Espagne musulmane et la civilisation d’Al Andalous.    - Lors de son premier voyage au Maroc en 1954, il a pu voir que l’architecture et la décoration intérieure de nombreuses demeures privées dans les villes anciennes de ce pays se rattachent à la même tradition artistique que celle qui a inspiré l’art de l’Alhambra. Plus étonnant pour lui a été de constater que les habitants de ces maisons mènent une vie dans laquelle la quête quotidienne de la beauté dans la présentation et de l’élégance dans le geste paraît le but même de l’existence.

La tradition andalouse comme elle est encore vécue au Maroc s’est révélée alors à Flint comme un modèle de vie et il a décidé de s’installer à Marrakech (1957) afin de s’initier dans les différents aspects de cette tradition citadine si parfaite. Paradoxalement, cependant, ce sont les manifestations visuelles et musicales du monde rural marocain qui ont progressivement retenu son attention et qui ont finalement exercé une telle attraction sur sa sensibilité artistique qu’il s’est converti, d’un amoureux nostalgique de la tradition citadine héritée d’Al Andalous, en défenseur passionné de la culture rurale marocaine. Dans plusieurs aspects de celle-ci, il a reconnu les liens profonds qui unissent le Maroc au monde saharien et au continent africain.

Pour  mieux comprendre ces liens, il a concentré ses recherches, ces dernières années, sur la culture matérielle des populations de  la diaspora saharienne en s’appuyant sur des objets de sa collection personnelle qui englobe tout le nord ouest-africain et qui concerne plus spécialement le domaine de l’art de la parure.

Le circuit de l'exposition est organisé comme un voyage allant de Marrakech à Tombouctou. Le Sahara n’est pas ce désert vide que l’on imagine, il a ses habitants et possède même plusieurs foyers actifs de culture et d’art dont l’origine remonte à la préhistoire. D’autre part, il est vrai que la désertification a amené plusieurs peuples à abandonner l’espace saharien proprement dit pour des régions périphériques au sud et au nord du Sahara. Ces peuples de la diaspora, établis dans les pays du Sahel et du Maghreb, sont restés attachés à la grande tradition saharienne dans le domaine de l’art de la parure et ils s’y expriment avec autant d’éclat et de raffinement que ceux qui habitent encore le Sahara.

Nous avons eu la chance de croiser monsieur Flint, maintenant âgé de 85 ans,  à la fin de notre visite. Il a fait don de son Riad et de ses collections à une fondation administrée par l'université de Rabat. Plusieurs tapis de sa collection ont été donnés au musée berbère des Jardins de Majorelle.

Les jardins de Majorelle et Musée berbère

Vue sur le jardin
En 1919, le peintre français Jacques Majorelle (1886-1962) s'installe dans la médina de Marrakech (durant le protectorat français au Maroc) dont il tombe amoureux.

En 1922 il achète une palmeraie en bordure de celle de Marrakech, au nord-ouest de la médina, et en 1931, il fait construire par l'architecte Paul Sinoir sa villa style architecture mauresque / art déco d’une étonnante modernité, inspirée de l'architecte Le Corbusier. Il y aménage son habitation principale au premier étage et un vaste atelier d'artiste au rez-de-chaussée pour peindre ses immenses décors.

Amoureux de botanique, il crée son jardin botanique inspiré de jardin islamique avec la luxuriance d'un jardin tropical autour de sa villa, « un jardin impressionniste », « une cathédrale de formes et de couleurs », structuré autour d'un long bassin central, avec plusieurs ambiances variées, où se nichent des centaines d’oiseaux. Ce jardin est une œuvre d'art vivante en mouvement, composé de plantes exotiques et d'espèces rares qu'il rapporte de ses voyages dans le monde entier : cactus, yuccas, nénuphars, lotus, nymphéas, jasmins, bougainvillées, palmiers, cocotiers, bananiers, bambous, caroubiers, agaves, cyprès ... et orné de fontaines, bassins, jets d'eau, jarres en céramique, allées, pergolas ...

Le bleu Majorelle
En 1937 l'artiste crée le bleu Majorelle, un bleu outremer / cobalt à la fois intense et clair dont il peint les murs de sa villa, puis tout le jardin pour en faire un tableau vivant qu'il ouvre au public en 1947.

À la suite d'un accident de voiture, Majorelle est rapatrié à Paris où il disparaît en 1962. Le jardin est alors laissé à l'abandon durant plusieurs années.

Le mausolée Yves Saint Laurent
Yves Saint Laurent et Pierre Bergé découvrent le Jardin Majorelle en 1966, au cours de leur premier séjour à Marrakech : « nous fûmes séduits par cette oasis où les couleurs de Matisse se mêlent à celles de la nature ». Ils achètent le jardin Majorelle en 1980; ce sera la troisième acquisition du couple dans la ville de Marrakech. Les nouveaux propriétaires décident d’habiter la villa de l’artiste, rebaptisée Villa Oasis, et entreprennent d’importants travaux de restauration du jardin pour « faire du jardin Majorelle le plus beau jardin, celui que Jacques Majorelle avait pensé, envisagé ». L’atelier du peintre est transformé en un musée berbère ouvert au public et dans lequel la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé est exposée.

Disparu le 1er juin 2008 à Paris, les cendres d'Yves Saint Laurent sont dispersées dans la roseraie de la villa Oasis et un mémorial, composé d’une colonne romaine ramenée de Tanger posée sur un socle où une plaque porte son nom. Le 3 décembre 2011, le musée berbère est inauguré au rez-de-chaussée de la villa.

Chronique camping-car

Chantal et sa coiffeuse allemande sur un camping à Taghazout.
Voyager pendant de longs mois exige une certaine discipline. Cela est encore plus vrai lorsque l'on voyage à bord de son autocaravane. Il faut savoir identifier les ressources disponibles le long de sa route et saisir toutes les occasions utiles. C'est ce qu'a fait Chantal à quelques reprises au cours du présent voyage.

1 commentaire:

  1. Wow!!! Quels voyages.
    Il y a beaucoup d'informations.
    Désolé que vous soyez tomber malade.
    Un plaisir de vous lire.

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